omega pi kappa. j'suis comme ça, moi. j'suis pas une junkie, j'suis pas une alcoolique. mais de sauvage, j'en suis bien une. je viens de la jungle, et jamais rien ni personne ne pourra changer ça. à quoi bon, de toute façon? chasses le naturel, il revient au galop. j'suis indomptable. aucune loi n'est mienne. aucune loi ne me gère. rien ne m'atteint. les seules règles que je prends en compte sont celles que je m'impose moi-même. je n'ai ni foi, ni loi. et le premier qui s'y opposera se prendra un coup de genou dans les valseuses. 

monde de sauvages. mon monde à moi. mon sale quartier. ma cité. ma vie.
là d'où je viens, aucune autorité n'est. aucune loi ne nous régit. sauf la notre.
là d'où je viens, tout le monde est de ma famille. tout le monde n'est qu'une famille.
ties of blood are so overrated.

j'ai passé toute mon enfance dans la même cité, dans les mêmes quartiers pourris, malfamés. les quartiers chauds. ebony, la fille de la cité. j'y suis née, et j'aurais bien cru que j'y crèverais, que j'y passerais toute ma vie. le sort en a décidé autrement pour moi.
je suis la plus vieille de la famille, l'aînée de la fratrie. papa travaille sur les chantiers depuis toujours, et maman est caissière dans un supermarché pourri. j'ai directement été en charge des plus petits. toujours à jongler entre l'école, les horaires de tout le monde, les repas, les douches à prendre. maman avant l'heure. et comme si mes cinq petits frères ne suffisaient pas, je m'occupais des autres de l'immeuble, aussi. la grande famille. ebony la grande sœur à charge, la maman.

j'suis aussi la meuf qu'on n'veut pas emmerder. celle à qui on ne veut pas avoir à faire. parce qu'on n'a pas tous été logés à la même enseigne. certains ont été à bonne école. moi, c'est l'école de la vie qui m'a instruite, dans la rue. avec les gars comme profs. et ceux-là, n'y vont pas de main morte. j'suis la meuf qui tacle, qui colle son poing dans la figure de celui qui l'emmerde, celle qui lui crache dessus et qui finit par un coup de genou dans le ventre. et je suis à la fois celle qu'on n'ose pas toucher, parce que je suis sur-protégée.
grande sœur de la marmaille, petite sœur des guetteurs.
les guetteurs sont ces types aux entrées de chaque bâtiment de la cité. comme des videurs. ils vérifient chaque entrée et chaque sortie. si t'es de chez nous, t'as un laisser-passer rien qu'à ta tronche. si t'es étranger, t'as intérêt à courir vite. ou être accompagné. banlieue 13, tu connais? on est le remake américain. le brick mansions plus hardcore. les flics ne rentrent pas. les pompiers ne rentrent pas. pas même les médecins. personne ne veut rentrer. tu peux les appeler tant que tu veux, si tu donnes l'adresse, pas un seul se bougera le cul.
ils ont trop peur.

je me suis vue offrir une bourse pour jeunes en milieux défavorisés, ou peu importe comment ils appellent ça, pour l'ohio state university. c'est ma cinquième année, maintenant.
pas tout le monde m'aime. certains me craignent.
je vis pour la danse. et avant d'arriver à la fac, je n'avais jamais pris un seul cours. on dansait dans la rue, à l'école. directement sur le bitume. j'ai appris avec les autres mômes de la cité. j'ai bien appris, visiblement, ou alors j'ai un certain don. ouais, sans m'vanter, j'suis vraiment douée.
je vis pour la danse. je me donne pour elle. j'suis plus la même, une fois sur le parquet. c'est différent. je lance ma puissance autrement, à fond, avec des bonnes répercussions.
puis, je mixe. presque toutes les nuits. je n'dors quasiment jamais, en vérité. je passe mes nuits dans les clubs, dans les raves. c'est grâce à moi que vous bougez vos petits culs de pétasses et que les mâles en chaleur vous chopent dans les chiottes. mes journées sont à la fac, à la danse, et de retour à la cité pour m'occuper des mômes et aider à payer les factures.

ebony, la sauvage.