Lorsqu’il n’avait pas cours, Leo aimait profiter de son temps libre, profiter du beau temps, sortir un peu et passer du temps avec ses amis. C’était le samedi et il faisait plutôt beau, même un peu chaud. Le jeune Dunegan n’était pas du genre à passer son samedi au lit ; sa grasse matinée, il la faisait le dimanche et encore, ça n’était pas très fréquent. Bref, cet après-midi là, il avait décidé de sortir avec ces potes. Ils s’étaient donc rendus à la fête foraine qui se tenait au parc. Oui, à leur âge, ces jeunes hommes éprouvaient bien du plaisir à se rendre à une fête foraine. Bon en réalité, ils y allaient surtout pour faire passer le temps, se gaver de barbe à papa et pourquoi pas, faire quelques rencontres féminines.
Comme à chaque année, il y avait beaucoup de monde. De temps en temps, Leo croisait quelques amis de l’université avec qui il parlait un petit moment. Avec sa bande de pote, ils s’étaient déjà rendus à un bon nombre de stand. Ils se trouvaient maintenant devant le stand de bisou où se trouvait une jolie brunette prête à vendre ses services. Leo se contentait simplement d’accompagner ses potes, ça ne lui disait rien de payer pour obtenir un bisou. Il était beaucoup trop fier pour cela, même s’il aurait bien pu le faire pour s’amuser. Tout en plaisant et riant avec ses potes devant le stand, il promenait son regard autour de lui. Ses yeux finirent par se poser sur un visage qu’il semblait reconnaître dans la foule. Leo fronça légèrement les sourcils. Il croyait rêver. Il mit quelques secondes avant de vraiment réaliser qu’il s’agissait bien d’elle. Sans même réfléchir une seconde, il quitta ses amis et se fraya un chemin parmi le monde qu’il y avait. Arrivé à sa hauteur, il l’attrapa par la main pour l’arrêter. « Lily ! » Il se demandait toujours s’il ne rêvait pas, mais c’était plus parce qu’il était choqué qu’autre chose. Il reconnaitrait ce visage entre mille.

La fête foraine, j'en étais encore à me demander ce qui m'avait prit de m'y rendre... C'est bien parce qu'elles avaient insisté que j'avais finis par les suivre parce qu'on ne peut pas vraiment dire que ce soit le genre d'endroit qui me plaise le plus. Tout d'abord, je n'aime pas la foule et les gens qui me bouscule m'insupportent au plus au point et ensuite, j'ai une frousse bleue des manèges à sensations fortes... J'avais voulu faire plaisir et je me retrouvais coincé ici et m'ennuyais bien plus que si j'étais restée dans ma chambre universitaire. J'ai d'ailleurs longtemps résisté à l'envie de retourner me caler devant un film mais je n'en ai plus envie et, après avoir averti mes amis qu'il était temps que je les quitte, je décide de reprendre le chemin inverse. Je me mêle parfaitement à la foule, je déambule au milieu de celle-ci et je suis bien décidé à quitter cet endroit. Enfin, je l'étais jusqu'à ce que quelqu'un attrape mon bras et me sorte de mes pensées. Les sourcils froncés, un regard un peu trop sévère je m'apprête à demander à cette personne ce qui lui prend d'attraper mon bras de cette façon. Mais mon regard croise le sien, mon regard montre désormais à quel point je peux être perdue lorsqu'il se pose sur Leo. Sa voix se fait entendre et m'assomme comme une masse. Que fait-il ici ? Que .. Pourquoi est-il venu vers moi comme si de rien n'était. Des questions de ce genre ce bousculent dans mon esprit mais je lui en veux encore beaucoup trop que pour discuter avec lui. Je dégage alors rapidement mon bras de son emprise.«Laisse-moi tranquille Leo.»Je suis partagée entre deux sentiments. Le plaisir de le revoir après autant de temps et de la rancune pour ce qu'il m'a fait subir lorsque nous nous sommes vus pour la dernière fois. C'est bizarre d'être partagée de cette façon. Très bizarre. «Je n'ai jamais cherché à te revoir, fais-donc la même chose que moi.» Dans le fond, j'essaie juste de me protéger. Me protéger d'un homme que j'ai aimé et qui m'a fait du mal. Me protéger de lui. Je ne veux pas subir à nouveau la même chose, je ne veux pas sentir dégradée et humiliée une fois de plus. Je crois qu'il vaut mieux que l'on ne se revoit plus. Que l'on s'oublie.

Leo ne s’était pas attendu à voir Lily à cette foraine. En réalité, il ne s’était pas attendu à la revoir, tout court. Pour lui, elle était sans doute quelque part à l’autre bout du monde et il y avait peu de chance qu’ils se revoient un jour. Lorsque son regard croisa celui de Lily, celui-ci trahissait aussi de la surprise. Ça faisait tellement longtemps qu’il ne l’avait pas revu, deux ans pratiquement, voire un peu plus. Elle n’avait pas l’air d’avoir tellement changé et pourtant elle paraissait différente d’une certaine façon. Lorsqu’elle dégagea son bras de son emprise, Leo ne put s’empêcher de froncer les sourcils. Il ne s’était pas attendu à cette réaction de sa part, car à vrai dire, il ne savait pas du tout à quoi s’attendre. Mais, il reconnaissait que c’était tout de même justifié étant donné la façon dont ils s’étaient quittés... Il ne savait pas quoi dire ; la surprise avait laissé place à une certaine morosité. Etait-il content de la revoir ? Oui, bien sûr mais peut-être cela aurait été mieux pour tous les deux s’ils ne s’étaient pas croisés. D’une certaine manière, les paroles de Lily le blessèrent un peu. Lui non plus n’avait pas cherché à la revoir à l’époque, mais seulement parce qu’il avait eu trop honte.« Je sais bien que tu n’as pas envie de me voir, et je ne m’attendais pas à tomber sur toi. » Le jeune homme s’arrêta un instant avant de soupirer longuement. Son regard se posa à nouveau sur celui de la jeune femme. «  C’est quand même bon de te revoir Lily … ça faisait longtemps. » Cette situation paraissait un peu surréelle aux yeux de Léo. Quelques années plus tôt, si on lui avait dit qu’ils en seraient arrivés là, à se parler tels deux étrangers, il n’y aurait pas cru. Ils s’étaient perdus de vu et pourtant le hasard avait fait qu’ils se croisent dans le lieu le plus improbable qui soit. Leo savait que s’il la laissait partir maintenant, il ne la reverrait certainement plus. Et étrangement, il ne voulait pas que cela arrive ; il avait besoin de lui parler. « Lily, puisqu’on est là j’aimerai vraiment qu’on parle. » Intérieurement, il espérait qu’elle ne s’en aille pas.

Au fond de moi, je n'avais jamais pensé à croiser Léo quelque part. C'était comme exclu, comme impossible. Impossible parce que j'avais fuis, je l'avais fuis et j'avais espérer que mon esprit l'effacerait définitivement. Bon, cela n'avait pas été forcément très fructueux mais au moins, j'avais essayé. Et le voilà, devant moi. J'en suis tellement étonnée que j'ai l'impression que mes jambes ne me portent plus. Calme-toi, Lily. Montre-toi mature et réfléchis, laisse-le parler. Voilà ce que je me répète inlassablement tandis que je n'ai envie que d'une chose; faire ce que je fais de mieux et fuir. Prendre la route une fois de plus et passer à autre chose. Sauf que cela me ferait passer pour une gosse, ce que je ne suis pas, ce que je ne suis plus. J'avale difficilement ma salive et je l'écoute me dire qu'il sait. Bien sûr qu'il sait que je ne voulais pas le revoir, ce serait de la folie. Et lui, il trouve bon de me revoir. J'aimerais lui dire que moi aussi, que je suis ravie de le voir sauf que je suis bien trop rancunière pour ça. J'ai envie de lui dire que je n'ai rien oublié de notre histoire, rien oublié de lui mais je reste muette. Il ne mérite pas ma parole, non. Et le voilà qui m'impose une épreuve supplémentaire puisqu'il aimerait que l'on parle.  «Parler de quoi Leo ? Du mal que tu as pu me faire ? De ce que j'ai ressentie lorsque je me suis retrouvée collée à ce mur ?» Je parle à voix basse parce que je n'ai pas envie de me donner en spectacle au milieu de cette foule qui continue d'avancer, cette foule qui nous ignore. «Je t'écoute, qu'est-ce que tu veux me dire ? » Je suis curieuse de savoir ce qu'il à à me dire. Si il pense se trouver devant une gamine qui le pardonnera facilement, il se trompe. Je ne peux pas oublier ce que j'ai subis, je ne peux pas oublier la solitude que j'ai ressentie lorsque je me suis retrouvée enceinte et qu'il n'était pas là. Je me mords instinctivement les lèvres tandis que je croise mes bras sur la poitrine, prête à écouter ses paroles.

Leo ne s’attendait pas à ce qu’elle l’accueille les bras ouverts, avec des sourires. Ce serait se mentir à soi-même. Les choses qui s’étaient passées entre eux, faisaient que la situation ne pouvait être qu’étrange et tendue à la fois. Pourtant Leo avait envie de parler à la jeune femme ; il n’avait pas envie de la laisser filer alors qu’une occasion se présentait pour s’expliquer. S’expliquer … certainement plus facile à dire qu’à faire. Il écoutait Lily sans rien dire, avant de détourner le regard. Ses paroles le blessaient, il ne pouvait pas se mentir à lui-même. Le pire, c’est qu’elle avait raison. Les souvenirs de cette nuit là lui revinrent  à l’esprit et il ne put s’empêcher de soupirer. Comment avait-il pu en arriver là ?... Il posa à nouveau son regard sur elle. « Ça serait peut-être mieux si on trouvait un endroit un peu plus tranquille … Tu viens ? » Pendant quelques secondes, Leo pensait qu’elle refuserait de le suivre. Mais elle l’avait simplement regardé longuement avant de lui emboiter le pas.
Les mains dans les poches, Leo marchait silencieusement, le regard rivé au sol. « Lily, je suis vraiment désolée pour tout ce qui s’est passé. » Il n’avait jamais eu l’occasion de réellement s’excuser ; mieux vaut tard que jamais. Il releva enfin la tête pour porter son regard sur la jeune femme. « Si j’avais la possibilité de revenir en arrière, je le ferais crois-moi. » Il aurait voulu changé ce qu’il avait fait, ce qu’il lui avait fait. Leo gardait beaucoup de regrets de sa relation avec la jeune femme, regrets auxquels il pensait souvent. Ils finirent par trouver un banc un peu à l’écart de la foule et du bruit de la fête foraine. Le jeune homme s’installa sans quitter Lily du regard. Il avait l’impression que s’il la quittait des yeux, elle risquerait peut-être de s’envoler.

Le plus triste dans tout cela, le plus triste dans notre histoire c'est qu'il avait finalement donné raison à mes parents. Il m'avait fait souffrir, ce que ma mère n'avait jamais cessé de me prévenir. Je suis sûre qu'elle a dû être satisfaite de notre rupture, satisfaite d'avoir eu raison pendant que j'avais tord et que je croyais niaisement qu'il ne me ferait jamais de mal. Je m'étais trompé et j'en voulais à Leo. Leo qui voulait s'isoler pour parler de tout ça. Alors que mon cerveau me criait de partir directement en courant, je basculais doucement la tête de bas en haut pour accepter sa proposition. Il était peut-être temps de poser des mots sur ce qu'il s'était produit cette nuit-là. Il était peut-être temps que j'arrête de faire l'autruche, que j'accepte de regarder autour de moi. Il est temps que je cesse de me cacher à moi-même cette vérité. Parce que même si il était le responsable de mon malheur, j'avais longtemps culpabiliser en me disant que je l'avais cherché. Cela n'était plus le cas aujourd'hui, je savais que je n'avais rien fait de mal. Lui, oui. Et il s'excuse. Il est désolé pour ce qui est arrivé. «Etre désolé n'est pas suffisant, cela n'aurait jamais dû se produire.» Le passé ne peut être changé et il en a bien conscience, nous avons tous les deux dû continuer à avancer dans nos vies respectives, malgré tout. Malgré ça. Silencieuse, je prends place sur le banc. J'écoute ce qu'il veut me dire et je m'apaise petit à petit. «On doit accepter le passé. On ne peut revenir en arrière...» Oui, il ne pouvait rien effacer et il faudrait qu'il assume ses actes. «T'sais c'est quoi le plus con dans tout cela Leo ?» Et je ne le lui laisse même pas le temps de répondre que je reprends la parole. «C'est que je t'aimais moi ... Jamais j'aurai été voir ailleurs et jamais j'aurai été capable de te faire du mal.» Je baisse doucement la tête, mon regard se fixe sur le sol, puis sur mes chaussures. J'ose à peine relever les yeux, j'ai peur de m'effondrer et je ne veux pas faire cela devant lui. Je veux pas qu'il me voit comme quelqu'un de faible. Je ne le suis pas.

Oui, cela n’aurait sans doute jamais dû se produire. Mais ce qui était fait, était fait ; Leo ne pouvait rien y changer même s’il le voulait. Donc pour lui, s’excuser était la chose la plus logique à faire. Il était désolé de lui avoir fait autant de mal. « Certes on ne peut pas revenir en arrière … mais il faut que tu comprennes que ce que j’ai fait, je n’ai jamais pu l’accepter. » Et pourtant, c’était bien lui qui avait levé la main sur elle et l’avait trompé. Leo avait du mal à assumer ce qu’il avait fait. Il écoutait la jeune femme sans rien dire ; chacune de ses paroles semblait être une pierre qu’on lui jetait à la figure. Le plus dur était de les entendre après autant de temps ; c’était comme si cela c’était passé hier… Lui aussi il l’aimait, il n’avait même jamais eu de doute à ce sujet là. Et pourtant … Pourquoi est-ce qu’il avait fait cela ? Leo ne trouverait certainement jamais la réponse à cette question. Il se l’était souvent demandé et avait fini par arriver à la conclusion selon laquelle, l’homme agissait parfois de façon inconsciente, sans réellement réfléchir. Il resta silencieux quelques secondes avant de tourner la tête vers Lily qui semblait fixer le sol. « Tu penses vraiment que je ne t’aimais pas ? Il n’attendait pas vraiment de réponse mais qu’elle doute de lui sur ce point là, l’agaçait un peu. « Lily, je t’ai aimé et je t’aimais plus qu’aucune autre fille que j’avais fréquenté jusque là. » Cela lui paraissait étrange d’en parler maintenant. Cela faisait tellement longtemps. Ils avaient tous les deux grandi, et gagné en maturité depuis lors, mais certaines choses ne s’oublient pas aussi facilement. « Je sais que tu n’aurais jamais été voir ailleurs. T’es une fille bien … Je regrette ce que j’ai fait. Je ne sais pas pourquoi je l’ai fait, mais c’est arrivé. C’est tout. » Leo a toujours eu un faible pour les femmes et ne résistaient jamais bien longtemps au charme d’une jolie demoiselle. Cela lui avait coûté son couple avec Lily. « Ce que je ne peux pas me pardonner, c’est d’avoir levé la main sur toi. Je … Je suis vraiment désolée Lily. Je ne sais pas ce qu’il m’a pris ; j’aurais voulu mettre la faute sur l’alcool mais ça n’est pas suffisant pour justifier mon geste. » Il n’arrivait plus à détourner son regard de la jeune femme ; peut-être verrait-elle ainsi à quel point il était désolé ? Il se souvenait très bien de cette nuit là, comme il l’avait plaqué contre et comme elle s’était rapidement retrouvée au sol avec la joue écorchée par le vase qui s’était brisé à côté d’elle.