Une ambiance festive régnait au sein de la demeure Espinoza. Tout le monde dansait sur des rythmes tantôt américains tantôt colombien et chacun allait de son petit commentaire sur le bébé endormi au fond du berceau. Les visages étaient ornés de grands sourires, le regard attendri face à la beauté enfantine d'à peine quelques semaines qui reposaient dans ce landau couleur ivoire. « Vous ne trouvez pas quel a des airs de son père ? » Demanda une jeune fille, la dame à ses côtés secoua la tête en signe de négation. « Je vois plutôt sa mère. » N'arrivant pas à se mettre d'accord, elles décrétèrent qu'elle était un mix de ses deux parents. « Shawn appuie sur le bouton. » Le dénommé Shawn appuya sur le bouton rouge et braqua la caméra sur sa tante qui souriait grandement. La femme fit un signe de la main avant de commencer son monologue : « Coucou ma chérie ! C'est maman. Regarde un peu la super fête que nous t'avons organisée pour fêter ta naissance ! Dommage que tu sois encore si petite, tu aurais pu profiter de l'ambiance. Tu es en train de dormir, c'est incroyable, avec le bruit qu'il y a dans la pièce ! Tu as du prendre de ton père rires bon je te laisse, ton frère est en train de déballer tout tes cadeaux. Bisous. Je t'aime. » Le neveu appuie de nouveau sur le bouton rouge et fait signe à sa tante pour lui faire comprendre que tout était bien enregistré. Déposant la caméra sur le buffet il rejoignit ensuite ses cousins qui étaient en pleine discussion footballistique, la mère Espinoza prit son fils par le bras et le gronda quelque peu en lui faisant comprendre que tout cela n'était pas pour lui. Le petit garçon de quatre ans fit la moue et alla bouder dans un coin du salon. La grand-mère s'avança jusqu'au centre du salon. Elle tapa trois coups contre son verre pour captiver l'attention des invités. « Désolée de vous interrompre mais nous allons maintenant procéder à la traditionnelle cérémonie d'entrée chez les Espinoza, mon fils, Ricardo et ma tendre belle-fille, Fiona, approchez-vous. » Les deux parents s'avancèrent, Fiona n'avait jamais été à l'aise face à cette étape obligatoire, son espagnol était très mauvais elle avait toujours cette impression désagréable que sa belle-famille ricanait derrière son dos, heureusement sa belle-mère était là pour les remettre à leur place rien qu'avec son regard. Prenant la main de leur enfant, les époux échangèrent en espagnol quelques paroles ancestrales censées bénir l'enfant, lui accorder la beauté et lui promettre un avenir brillant. Les Espinoza étaient très à cheval sur cette cérémonie, ils y tenaient énormément. Une fois le discours des parents finit, les invités applaudirent pour clôturer. Chacun reprit donc son activité.

« Les enfants dépêchez-vous ! Le bus de ramassage scolaire ne va plus tarder ! » La voix de Ricardo résonnait à travers les murs. Les enfants se dépêchèrent de mettre leurs chaussures et coururent chercher leur cartable, après avoir embrassé les deux parents ils attendirent sagement le bus qui ne tarda pas à pointer le bout de son nez. Une fois à bord, l’aîné rejoignit ses amis tandis qu'Alessandra se posta au fond du bus en essayant de se faire la plus petite possible. La petite fille n'était pas particulièrement à l'aise, elle était très timide et comme ses amies à elle ne prenaient pas le bus elle était condamnée à rester au fond, écoutée ses camarades jacassaient, le pire c'était au retour de vacances, les oreilles d'Alessandra sifflaient. Une fois devant l'école, Alessandra laissa d'abord tous les élèves peuplant le bus descendre avant d'à son tour sortir du véhicule jaune. Soufflant un bon coup, elle traversa la cour de l'école primaire sans même se faire remarquer. La petite Espinoza était mignonne mais pas particulièrement populaire comme certaines filles de sa classe ou comme son frère. La popularité ne servait à rien, pourquoi devrait-elle chercher en avoir ? Elle était à peine âgée de 8 ans. Voyant ses amies au loin, la petite fille courut jusqu'à elle en scandant leurs noms, arrivait à leur niveau elle s'étonna de voir des visages en colère et des regards foudroyants. « Alessandra on te parle plus. » Une phrase. Juste une phrase avait anéanti la petite Espinoza, jetant un regard en arrière elle put voir Becky Smith et ses copines rirent face à la scène. S'empêchant de pleurer, l'enfant courut jusqu'aux toilettes et s'enferma dans un cabinet en claquant la porte. Ses larmes troublaient et elle manquait de s'étouffer à chaque sanglot. En entendant la porte des toilettes se verrouillait la petite fille paniqua, elle sortit aussitôt de son refuge et cogna contre la porte, elle criait à s'en déchiraient les cordes vocales mais personne ne vint à sa rescousse, elle fut condamnée à rester une heure dans les toilettes.

C'était le bal des primaires ce soir. Alessandra était sur son 31, alors que ses parents la déposaient elle et son frère elle vu au loin Becky et ses copines lui lançaient des regards mauvais, comme pour se protéger la petite fille se jeta sur son grand frère qui fut décontenancé, il la repoussa aussitôt les sourcils froncés. « T'es chiante Alessa, tu vas pas me coller comme ça toute la soirée. » sans un mot de plus, le préadolescent quitta sa soeur pour rejoindre ses copains. Becky en profita donc pour s'approcher d'Alessandra qui était totalement pétrifiée. « Ta robe est moche. » La petite fille tira dessus, déchirant ainsi plusieurs coutures. Alessandra cria en voyant sa robe maintenant abîmée. La fillette fut donc condamnée à passer sa soirée dans un coin en espérant qu'on ne la remarque pas. Et dire qu'elle avait espéré être vu pour la première fois de sa vie, être remarquée. Raté.

Les années primaires d’Alessandra ont été un chaos sans nom, tout ça sous les yeux de son frère qui n’a jamais levé le petit doigt pour la protéger. Ses années collèges n’ont pas été plus fameuses. Retrouvant ses anciens camarades, l’enfer scolaire de la jeune fille reprit de plus bel. Mais lorsqu’elle eut atteint ses 15 ans, Alessandra dit stop et décida d’épater ses camarades avec un talent qu’il ne lui avait jamais soupçonné : le dessin. Son collège organisait une sorte de concours permettant aux élèves ayant un talent particulier de l’exposer aux autres, Alessandra avait donc décidé d’afficher ses peintures aux murs de l’établissement. Le succès fut grandiose. La jeune latine expliqua lors de la remise de son prix (elle avait gagné son concours) que c’était cela qui lui avait permis de garder la tête droite et de ne pas sombrer. Ce qui mit mal à l’aise les bourreaux de la jeune fille qui était maintenant fusillé du regard par leurs camarades. L’année se termina tout doucement, Alessandra n’avait plus cette boule au ventre lorsqu’elle arrivait au collège et c’était même faites quelques amis qu’elle retrouvera au lycée l’année prochaine. Une étape qu’elle n’oubliera jamais.

Douglas. C'était son prénom, celui du premier amour d'Alessandra. Il était dans sa classe, c'était le type de gars, beau, populaire et capitaine de l'équipe de basket-ball. Un cliché qui comme toutes les adolescentes n'avait pas laissé insensible Alessandra. Il se trouve que c'était également son partenaire en chimie, étant tous les deux nuls dans cette matière ils apprirent à se connaitre durant leurs cours. Alessandra découvrit un garçon très gentil et ouvert d'esprit, très loin du stéréotype habituel. « Alessa ouvre la bouche. » L'adolescente regarda son ami d'un air septique. « T'as mis quoi dedans Doug ? » Le garçon éclata de rire avant de faire une moue adorable. « Tu insinues que je suis un piètre cuisinier ? » Face au regard suppliant de son ami, Alessandra prit en bouche le morceau de gâteau qui s'avéra être totalement à son gout. « Hééééé mais ça gère en fait ! » Les deux amis finirent donc le succulent gâteau qu'avait confectionné Douglas spécialement pour sa meilleure amie. Être la meilleure amie du capitaine avait des avantages comme des inconvénients, les avantages étaient que pour la première fois de sa vie elle était respectée et elle avait elle aussi sa place à la table des populaires, oui Alessandra était devenue "populaire". Les inconvénients étaient les regards qu'on lui lançait lorsqu'elle avait le malheur de le prendre dans ses bras en public ou lui faire la bise. Dans les clans des populaires Alessandra c'était faite des amies, Judith, Cassandra et Britney. Ensembles elles formaient le quatuor de choc, celui que toutes les filles adulées sans pouvoir les approcher. Alessandra y avait pris goût et menait sa vie de fille populaire d'une main de fer. Surtout qu'avec Douglas les choses se concrétisaient, elle n'était plus seulement qu'une simple amie à ses yeux, elle le sentait.

Ce fut un jour du mois de mai, Douglas la ramenait chez elle, comme chaque fin de journée. Alors qu'elle s’apprêtait à lui faire la bise pour lui dire au revoir, le lycéen s'accapara de ses lèvres. D'abord sous le choc elle resta statique mais elle se noya très vite dans ce baiser qu'elle avait attendu durant des mois. Le lendemain il fut décrété qu'Alessandra Espinoza et Douglas Smith étaient officiellement en couple, ils étaient maintenant les coqueluches des élèves de leur lycée. « Alors Madame fait la belle parce quelle sort avec le capitaine ? » Les quatre amis rirent en cœur. « T'es bête Britney ! Non c'est juste que mon frère avait une compétition, je ne pouvais pas la rater, ça vous dit de la faire ce soir cette soirée ciné ? » Les quatre meilleures copines concluent que ce soir était l'idéal. Elles prirent ensuite leur chemin vers leurs cours respectifs. Le soir arriva très vite, en attendant toquer à la porte l'adolescente courut jusqu'à celle-ci pour ouvrir à ses amies. Les priant d'entrer dans sa demeure, elle leur demanda d'attendra quelques minutes le temps qu'elle aille chercher tout ce qu'il leur fallait pour mener à bien leur soirée. Déposant le tout sur le canapé, les filles s'installèrent devant leur film girly favori, connaissant le film par cœur il leur servait surtout de fond sonore, elles ne faisaient que parler et rire. « Bon, il est temps de parler de choses sérieuses. » Britney et Judith hochèrent la tete tandis qu'Alessandra était totalement perdue. « Des choses comme quoi ? » Cassandra prit une profonde inspiration. « Nous sommes un quatuor n'est-ce pas ? Alors pour le faire savoir à tout le monde nous allons taguer les murs du lycée. » Alessandra resta bouche bée, elle savait qu'elle pouvait avoir de très gros soucis mais étant bien trop contente d’être une fille "cool" l'adolescente accepta. Prenant la voiture des parents Espinoza, les filles se dirigèrent jusqu'au lycée. Une fois sur place, elles descendirent du véhicule et s'emparèrent des bombes aux couleurs flashy. Dessinant diverses formes et phrases, les quatre amies paniquèrent lorsque qu'après quinze minutes elles entendirent les sirènes de police. Elles étaient cuites.

Cela faisait maintenant une heure qu'Alessandra était en cellule. Les parents Espinoza s'étaient arrangés avec le chef de la police pour que ce délit n'apparaissent pas sur le casier des filles en échange du fait qu'elles devaient rester en cellule cette nuit pour prendre conscience de leurs actes. Le lendemain, les parents d'Alessandra arrivèrent l'air sévère. Lorsqu'ils quittèrent accompagnés de leur fille le commissariat personne ne pipa mot mais le sang d'Alessandra ne fit qu'un tour en voyant son frère l'attendre les bras croisés. « Qu'est-ce que tu fais là ? » Face au ton froid de sa petite sœur le garçon soupira. « Les parents m'ont appelé pour me dire que ma petite sœur était devenue une délinquante, je me suis donc empressé de venir voir ce qu'il en était. » Alessandra prit une profonde inspiration. « C'est gentil de ta part de t'intéresser à moi mais il y a une semaine j'avais mon expo d'art au lycée, t'es pas venu, maintenant que je fais une connerie tu te déplaces ? Tu m'énerves Rodrigo. » La jeune fille entra dans le véhicule familial en claquant la porte, celui-ci avait été remit aux parents par les officiers de police. James se contenta de monter lui aussi dans la voiture et s'assit auprès d'Alessandra qui refusait de lui adresser ne serait-ce qu'un regard. « Je ne suis peut-être pas le grand frère idéal mais je t'aime Alessandra et je m'inquiète pour toi. »

« Tu ne veux vraiment pas venir avec moi à Yale ? » Demanda une énième fois Douglas en posant un doux baiser sur les lèvres de sa petite amie. « Tu sais très bien que je ne peux pas. » Douglas hocha la tête et caressa la joue d'Alessandra. Ils n'étaient pas bêtes, ils savaient très bien que c'était certainement la dernière fois qu'ils se voyaient. « Bon et bien, prend soin de toi Alessandra, je ne t'oublierais pas alors fait de même s'il te plaît. » En guise de réponse, Alessandra prit son petit ami dans ses bras. « Je te le promets, je t'aime. » La jeune fille fit un au revoir de la main à son petit ami avant de monter dans la voiture de son frère. « Ça faisait longtemps que vous sortiez ensemble ? » Demanda James. « Trois ans, maintenant roule on va être en retard. » La jeune fille fit un dernier signe de la main à Douglas, des larmes dévalant le long de ses joues, son frère la regardait du coin de l’œil. Voir sa sœur aussi triste lui déchirait le cœur. « Dis-toi qu'en étant une gamma t'auras tous les mecs à tes pieds. » Cette remarqua arracha un rire à Alessandra. « T'es con. »