gamma rho zêta: blondes, belles, parfaites, qui attisent la jalousie de tous les autres bouffons qui n'auront jamais la chance de pouvoir nous arriver au petit orteil, c'est la sororité faite pour moi. Non sérieusement, il faut pouvoir porter haut les couleurs des gammas, montrer qui nous sommes et clouer le bec de tous ceux qui aiment critiquer la perfection. Les filles, je pourrais vous apporter le glam à la Lawson, mais attention je ne suis pas qu'une enveloppe vide, il faut bien remonter le niveau, non ?

alpha sigma mu: on peut être blonde et douée, si vous avez du mal à le croire alors je me présente à vous. Le sport ça me connait et je ne vous parle pas de secouer des pompoms comme une débile au bord d'un terrain dans une tenue un peu douteuse et souvent de mauvais goût. De toute manière ces filles ne sont pas danseuses, il ne faut pas prendre des cours pour pouvoir faire un Y avec ses bras. Vous voulez du sport ? La danse classique. Rigolez, venez faire des pointes avec moi pendant trois heures de suite et on verra si ce n'est pas du sport. Ce n'est pas moi qui risque de tâcher cette belle réputation, au contraire.

Mon souffle était court, ma respiration était coupée, j'étais plongée dans le noir total, essayant tant bien que mal de retenir mes larmes, mais je n'étais pas encore assez forte pour pouvoir empêcher mes perles salées de couleur le long de mes joues  rouges. Pleurer me faisait mal, mal au coeur, mal à la gorge, mal aux yeux, mais à côté de la douleur que mon père pouvait me faire subir, je pouvais la supporter. J'étais mélangée entre la tristesse, la fatigue, la douleur et la colère, mais je savais qu'il ne fallait rien montrer à cet homme sinon je risquais  de le regretter. Chaque soir, après avoir été mise KO par l'homme beaucoup plus grand et beaucoup plus fort que moi, je me cachais sous ma couette avec une lampe. Je me sentais en sécurité sous cette couette, comme si personne ne pouvait me voir, ni m'atteindre. Je gardais une photo de ma mère et de mon frère avec moi, pour me donner la force de me réveiller le matin, pour me donner la force de commencer une nouvelle journée en tout ensachant que le soir même j'allais subir les foudres de mon père. Sous cette couette, je me blottissais contre cette photo, il m'arrivait même de rêver de Peter Pan, c'était mon dessin-animé préféré. Je rêvais qu'il vienne toquer à ma fenêtre et qu'il nous emmène, mon frère et moi, aux pays imaginaire. Evidemment je me prenais pour sa Wendy, une petite blondinette aux yeux tendres et ce Peter Pan je l'ai attendu tous les soirs pendant trois ans, mais il n'est jamais venu, il n'est jamais venu me délivrer de cette prison. Non, jamais. Il ne me restait plus qu'à serrer les dents. Il disait que je ressemblais trait pour trait à "la salope qui avait quitté cette putain de baraque sans prévenir", c'était la raison de mes côtes cassées. Pendant trois années j'ai du vivre mes journées à reculons, en espérant que la journée passe le plus lentement possible, en espérant que le soir arrivant mon père puisse se calmer, en espérant que je devienne invisible. Pendant trois ans j'ai dû subir les attaques et les coups violents de mon père avant que ma mère prenne son courage à deux mains et portent plainte contre mon père. Les années d'enfer semblaient être derrière moi, mais les blessures psychologiques ne disparaissent pas aussi rapidement que les traces physiques.

Les couloirs étaient blindés à cette heure, logique c'était la récréation, tout le monde avait retrouvé sa petite bande pour parler du mauvais temps ou d'histoires de gamins de 12 ans. Même avec ces couloirs noirs de monde, j'arrivais à remarquer le looser de tout le pays, comme si un panneau se baladait en dessus de sa tête avait un écrito "looser" qui clignotait à chaque fois qu'il entrait dans une pièce pour que personne puisse le louper. Phoenix alias le bigleux. Le bigleux était le surnom que je lui avais donné à cause de ces drôles de lunettes rondes, enfin devrais-je dire des méga loupes qui cachaient son visage. Bigleux le looser était la tête de turc de toute l'école, surtout à cause de sa grande soeur. Elle était plus âgée mais était encore dans le même établissement que nous, pour le plus grand malheur du bigleux. Elle était mon amie, enfin amie c'était peut-être un grand mot, elle m'avait prise sous son aile parce qu'elle croyait à mon potentiel, disons qu'elle cherchait sa relève avant qu'elle s'en aille dans une classe supérieure, celle qui serait se faire respecter des autres, celle qui dicterait les lois de l'école, une deuxième elle quoi. Elle était appréciée, pas vraiment parce qu'elle était cool, juste parce que tout le monde avait peur de s'embrouiller avec elle, elle était du genre à péter des gencives, un vrai bonhomme. Hey le bigleux, t'as fait tomber quelque chose. Je montrais du doigt le sol, le garçon suivant mon indication baissa la tête et mes complices en profitaient pour lui piquer son cartable pour le vider dans la cour aux yeux de tous. J'étais cruelle ? A cette époque c'était encore bon enfant. J'aurais pu ressentir de la peine pour lui au fil du temps, puisque plus les années passaient, plus l'humiliation était plus grande, mais rien, pas un petit regret, pas de culpabilité, rien, walou. Je suis toujours restée indifférente à sa souffrance, comme si j'étais contente de ne plus être la victime, de ne plus être celle qui pleure, de ne plus être celle qui claque des dents parce qu'elle sait ce qu'elle va subir. Faire souffrir le bigleux me faisait du bien, alors pourquoi arrêter ? J'avais besoin de ça pour me libérer, pour me sortir les images de ces soirs où je finissais la tête sur le sol, pour me sortir cette douleur que je ressentais encore quand je fermais les yeux. Phoenix, lui était la facilité, il était faible, sans aucune répartie, il se laissait se faire humilier, se faire maltraiter par les autres comme s'il pensait qu'il y avait une raison valable à cet acharnement continuel sur sa personne, il se laissait se faire bouffer par sa soeur et par les autres, il souffrait en silence. C'était un looser, faible et pas courageux. La seule fois où il a voulu se faire entendre c'est quand il a tenté de mettre fin à ses jours. Je vous l'avais dit, c'était qu'un gros looser.

Le lycée, les copines, les garçons et toutes les premières fois. Petite blondinette avec un caractère bien trempé pour ne pas se laisser bouffer par les autres, pour garder ma réputation de garce sans coeur qui m'allait si bien au teint. Monsieur le looser de première avait fuit et ce n'était pas si mal il faisait tâche dans mon paysage. Je ne regrettais rien, ni les coups bas, ni les humiliations et je ne me sentais en aucun cas responsable de sa tentative de suicide, d'ailleurs il s'était loupé, quel dommage, ça aurait fait un déchet de la société en moins. Enfin il n'était plus là alors je pouvais désormais me consacrer entièrement à ma plus grande passion : les garçons. Comme toutes les filles au lycée (excepté les futures brouteuses de minous) j'avais mon crush de lycéenne, un garçon un peu plus âgé, sportif, beau, populaire, celui qui par définition devrait être le mec parfait. Devrait seulement. Les papillons dans le ventre, les yeux en coeur, le coeur qui bat rapidement, les mains moites, tous les symptômes de la maladie d'amour. Le mec sportif, beau et populaire s'appelait Chad, Chad le footballeur. Chad, le prénom qui avait le don de me faire rougir, de me faire retomber en enfance, de me ramollir la cervelle. J'étais amoureuse de lui, pas de son caractère de gros abruti, mais de ce qu'il représentait. A cet âge on est bête, on tombe amoureux du premier beau garçon qui croise notre route et pour ce garçon t'es prête à défier l'autorité parentale pour filer en douce le rejoindre à l'occasion d'une fête ou d'une soirée, j'ai déjà fait le mur pour le rejoindre à plusieurs soirées dans lesquelles je n'avais pas le droit de me rendre à cause de l'inquiétude de ma mère et la peur que je fasse des bêtises comme me droguer par exemple. La drogue n'était pas du tout dans mon esprit, franchement j'ai jamais eu l'envie de toucher à cette merde, je trouve même que ceux qui prennent cette daube sont vraiment pathétiques, non moi tout ce que je souhaitais c'était de vivre un moment avec Chad, de partager quelque chose d'intense avec lui, de lui offrir quelque chose d'unique, quelque chose comme ma virginité. Cette "chose" n'était pas si importante pour moi, quand t'es jeune tu comprends pas forcément à quoi ça peut bien servir, surtout quand personne ne t'explique clairement les choses, enfin avant que je l'offre au plus gros crétin que la terre n'est jamais portée. Je peux dire aujourd'hui que je regrette qu'il soit ma première fois, mais il faut bien apprendre de ses erreurs, je suis devenue plus sélective et exigeante, histoire de ne plus tomber sur les "bad boys" dépourvus de la moindre once d'intelligence comme Chad.

La boxe et la danse classique sont devenus mes meilleurs amis, un peu comme s'ils étaient des épaules sur lesquelles je pouvais pleurer quand je me sentais relativement mal. Au lycée j'ai commencé à faire de la boxe parce que le bigleux avait quitté l'établissement et donc je n'avais plus vraiment de bouc émissaire alors mes démons ont rapidement reprit le dessus. Quand je fermais les yeux je pouvais voir clairement l'image de mon père totalement ivre qui criait sans aucun raison, je voyais encore les bleus qu'il laissait sur mes jambes, mon dos et mon ventre. J'avais besoin de me soulager, de sortir ces idées morbides de ma tête. Je savais que je devrais vivre toute ma vie avec cette souffrance intérieure et j'avais choisi de la garder pour moi, l'enfoncer au plus profond de mon subconscient en espérant la perdre à jamais. Le fait d'avoir décidé de cacher mes malheurs aux yeux de tous, même à mon petit frère, me poussais à trouver un moyen de les sortir. Je ne voulais pas être vue comme une victime, je ne voulais pas qu'on me regarde comme telle parce que je n'en étais pas une, non jamais. J'étais beaucoup plus forte que ça. La boxe m'aidait à sortir toute la haine que je ressentais envers mon père, toute la tristesse de mon enfance et même plus ça canalisait mon caractère de sauvage, de peste ou même de cochon, mais plus le temps passait et plus ma souffrance revenait. Le sujet était tabou à la maison, ma mère savait tout bien évidemment mais pas mon petit frère, c'était son père, le mec qui devait être son modèle dans la vie, il était trop jeune pour briser ses espérances, je ne voulais pas qu'il soit triste d'apprendre que son "héros" est qu'un enfoiré. Cependant il savait que jamais il ne reviendrait vivre avec nous, mais ne connaissait pas les véritables raisons du divorce de nos parents. Ce n'était pas un mensonge, on voulait juste le protéger de la triste vérité. La boxe était devenue insuffisante jusqu'au jour où je me suis inscrite à un cours de danse classique, au départ par simple curiosité. Les débuts ont été difficile à cause des séquelles physiques que j'avais pu garder, surtout au niveau de mon genou droit que mon père avait cassé un soir. Je ne suis pas laissé démonter, j'aimais la danse et puis ce n'était pas dans ma nature de faiblir face à la première difficulté. Désormais la danse classique est mon médicament, ma drogue, cette chose dont j'ai besoin pour me sentir bien, ma morphine, mon oxygène, sans elle j'étouffe. C'est pour cela que j'ai décidé d'étudier la danse classique et moderne jazz en entrant à la fac pour pouvoir continuer à vivre, tout en me libérant moi-même. Une nouvelle vie commence.