Une clope et un sachet de Kellogs. Il te faut rien de plus. C’est à ce moment la que tu te dis que ta vie, quand même, c’est pas de la merde. Si on t’avait dit, y a quatre ans, qu’un bol de Trésors et une Malbo t’auraient rendu content, t’y aurais même pas cru. Mais bon, ‘vaut mieux pas penser à c’qui se passait dans ta tête y a quatre ans, même si ça revient toujours, chaque fois que la nuit tombe. Ce soir, t’y échappes un peu. Tout ça, ça te parraît loin, alors que c’est tout prêt, juste derrière toi. Ca se cache au coin de la rue, derrière la rampe de ride, c’est vraiment à porter de main mais, tu sais pas, il y a quelque chose qui fait que ce soir, c’est moins sombre que d’habitude. Dehors, mais aussi dedans. Dans ta tête, dans ton esprit. C’est les Kellogs, t’en es persuadé. Bref, peu importe. T’allumes ta clope après avoir fini tes Trésors, parc’que t’es doué mais de là à bouffer des céréales et fumer en même temps, faut pas pousser.
T’es assis sur le banc en face du skate park. Tu skates pas, parce que tu t’es ramassé il y a deux jours, et t’as bien du mal à plier le genou alors t’as abandonné ta planche pour quelques jours. Et puis, ça te détend d’être là, au calme, dans un endroit désert. Tu tires sur ta clope et recraches la fumée vers le ciel, tu formes un nuage parmi les autres, tu fermes les yeux. Qu’est-c’que c’est bon.

Tu laisses tomber ton skate sur l'asphalte et tu poses ton pied dessus. T'as le visage fatiguée par les heures de consoles. On aurait beau dire, la bande de pompom girl a surement meilleur mine que toi à force de faire des galipettes en pleine air. Tu rabats la capuche de ton sweat sur tes cheveux. Tu bailles. La nuit ne va pas tarder à tomber complètement. C'est pas ton heure de sortie normalement. Ça l'était un peu quand tu traînais encore avec Hadès. Ça l'est encore de temps en temps à cause de Blue. Mais d'habitude, tu préfères t'enfoncer dans tes oreillers, avec ton pc sur le ventre, à lire des théories de physique quantique toutes plus barbantes les unes que les autres. Mais t'aime bien ça, au final. Tu prend la direction du parc, mains dans les poches de ton sweat, laissant ta planche avalé le bitume de la route. T'as les yeux dans le vague, tu passes le petit portillon, et tu continues à vitesse réduite sur le petit chemin goudronné menant aux plateformes. Et puis, au hasard, tu relèves les yeux. Et tu le vois, soufflant un nuage de fumée opaque vers le ciel. Tu bloques. Putain pas lui. Tu sens la colère montée, l'incompréhension aussi, la déception. Tous ces sentiments que t'as à son égard, depuis qu'il t'a lâchée comme un belle merde au milieu d'une ribambelles d'action man en costume de flics. Instinctivement, ton pied se met à terre pour arrêter la planche. Mais c'est ridicule, t'es à un mètre de lui maintenant. Tes yeux reste scotchés sur sa tête de con. T'as envie de lui hurler dessus, de lui cracher à la gueule, de lui décoller une gifle. Tu soupires. Tu sers les dents, et prend sur toi, rivant tes yeux sur tes chaussures. Tu ramasses ta planche, et continue à pied ton chemin, sans lui décoller un mot ni un regard. Je te jure que si tu l'ouvres, je te dégomme Becker.

T’entends les klaxons au loin, t’entends les moteurs des quelques voitures qui se risquent à passer par les rues voisines. Ca te berce, tu soupires. C’est peut-être pas un soupir de bonheur, oh non, parce que t’en es à des centaines d’années lumières, du bonheur, mais c’est un soupir de confort. Même si ce banc est dur comme de la pierre. T’es bien, là, à la tombée de la nuit, à faire c’que t’aimes. Autrement dit : à rien faire. Et puis t’entends un autre bruit familier. Les roues sur le bitume, les trucks qui grincent un peu, un pied qui pousse le sol, comme pour s’envoler, pour décoller. Tu souris en posant tes yeux sur la silhouette fine et longiligne qui arrive. Tu souris encore plus quand tu la reconnais. Mad. Haha. La dernière fois qu’on s’est parlé… on était entouré de flics. C’était drôle. Enfin, peut-être, qu’elle, elle a pas rit beaucoup. Mais moi j’en ai rigolé pendant des jours après. Ça m’a presque empêcher de dormir. Presque. “Eh, tu m’dois 50 balles ma p’tite !” tu lui lances alors qu’elle passe devant toi, sa planche à la main. Tu sais qu’elle t’en veut à mort, elle te tuerait pour se venger, t’es même pratiquement sûr qu’elle va essayer de te taper mais ça te fait rire. Tu te retiens un peu, mais quand elle te fusille du regard, t’éclates de rire. T’arrives même pas à faire semblant d’être désolé d’être un connard. Tu l’es, elle le savait, et puis, ça lui apprend la vie un peu ! Les cinquante balles, c’est pour le sachet de beuh que les flics lui ont pris, avant de l’embarquer. Tu l’as même pas vu monter dans la voiture, dommage, tu serais bien rester juste pour la voir chialer comme un môme devant les officiers. Ouais, t’imagines que c’est bien l’genre de filles à faire semblant d’être désemparée pour s’attirer la sympathie d’la police. “J’espère au moins qu’le repas était bon en taule !”

Tu t'arrêtes. T'as envie d'attraper ton skate à deux mains, et de faire brutalement volte face pour claquer sa gueule de babouin avec la planche, quitte à ce que sa tête se décroche et aille rebondir quelques mètres plus loin sur le bitume en faisant gicler du sang de pars et d'autre de ses orifices. Tu sers les dents quand il se met à rigoler. Il se paye vraiment ta gueule en fait, trop génial. Ces Omégas, tous les mêmes, une brochette d'autiste à l'égo surdimensionné. « Tu peux toujours crever pour tes 50 balles. Si tu m'avais pas laisser au milieu de ces rapaces, j'aurais payé ta caution de sortie, mais là comment te dire hm...Va chier. » Tu te retournes pour le reluquer une dernière fois. Quel fils de chien. T'étais pas majeur dans ce putain de pays, l'information allait remonter jusqu'à ton père, tes frères. Sans le savoir, Hadès avait signer ton arrêt de mort. Peut être même ton rapatriement en express jusqu’en Pologne dans la maison familiale. Tu les entends déjà t'incendiez de reproches, te poser milles questions dont ils n'écouteront même pas les réponses. Tu soupires. Ca t'apprendra à faire confiance à de la mauvaise graine Mad. Tu t'approches du banc où tu t'assois en serrant les dents, priant pour ne pas devoir faire des valises dans la semaine. Que tu lui en veuille ou pas, il en avait rien à carrer Hadès de toutes manières. « Presque aussi délicieux que l'image de ta tête sur un pieu. » Tu tends la main et tu voles la cigarette que Becker tiens entre ses lèvres. Tu tires dessus et t'appuis sur le dossier, pour te donner une fausse allure détendue. Ça servait à rien de lui crier dessus, de lui faire la gueule indéfiniment. « T'es une vrai fiotte Becker, une bande de flic et tu détalles comme un lapin. » Toi, t'avais du jouer l'étudiante étrangère, abusant de ton accent polonais, évitant leurs questions en faisant mine de ne pas comprendre pour qu'au final, ils gobent que tu ne connaissais pas ce type qui était là, que la drogue n'était pas pour toi et encore moins à toi.  

Y avait de la rage dans le moindre de ses mots, mais tu savais que c’était pas bien sérieux. D’accord, une nuit en prison, ça effrayait pas mal de monde, c’était compréhensible, mais toi, ça te faisait ni chaud ni froid. Pendant une certaine période de ta vie, t’étais même à la limite d’être content quand on t’envoyait en taule pour une nuit ou deux parce qu’au moins, ça t’évitait de dormir dans la rue, sous un porche de maison ou dans le hall d’un immeuble. Et les flics finissaient toujours par te connaître dans la ville où tu étais. Ici, à Columbus, t’avais pas encore trop eu l’occasion de fréquenter la brigade et le poste de police. Tant mieux, remarque. T’as refilé ce plaisir à Mad. Franchement, t’as un peu pitié d’elle. Rien qu’un peu. C’est pas ton genre, mais ‘faut dire qu’elle était complètement innocente dans cette histoire. La seule chose dont on pourrait l’accuser, c’est de traîner avec toi. Et pour l’instant, c’est pas encore un délit, encore moins un crime, mais ça ne saurait tarder. “Tu dis ça, mais t’es même pas foutu de tracer ton chemin quand tu me vois, fais pas la dure à cuire” Tu lui dis alors qu’elle tire une taffe de ta propre cigarette. Bah, tu lui dois bien ça. Tu feras une croix sur le montant de la came, pas grave. T’augmenteras juste tes prix pendant quelques semaines, ça devrait suffire à les rembourser. Elle te fait rire la p’tite. Tu sais que ça la soûle, que ça l’énerve encore plus quand tu t’moques d’elle, mais tu peux pas t’en empêcher. Elle a raison, n’empêche. T’as été un peu pédé sur ce coup là, d’accord, mais bon, tu t’en fous un peu puisque t’as sauvé ta peau. Ca t’a fait une montée d’adrénaline, c’était plus drôle de se barrer en courant et pas s’arrêter pendant une vingtaine de minutes, que de tendre les mains pour les menottes et se faire embarquer au poste. Sensations différentes. “J’voulais qu’tu viennes avec moi, mais j’sais que t’aurais pas pu courir aussi vite que moi, alors fallait bien qu’il y ait l’un d’nous qui se sacrifie” Tu retires sur ta cigarette et lui donnes une petite tape sur l’épaule. “Allez, fais pas la gueule. T’as même le droit de me traiter de fiotte pendant une semaine s’tu veux”

Tu souris un peu, essayant de refouler ta colère. A vrai dire, c'était plus de la déception. T'as toujours eu la naïveté de croire pouvoir faire de grandes choses. Du genre rendre un type comme Hadès un peu meilleur. Mais non, tu n'étais qu'une pièce supplémentaire dans le jeu, sans grands pouvoirs. Tu ne traces pas ton chemin car bizarrement, il est beaucoup moins intimidant que quatre molosses en uniforme. Tu laisse tombé ta planche à tes pieds et les pose dessus. Tu glisses les mains dans les poches de ton sweat. C'est quoi cette explication de merde sérieux ? « Je cours aussi vite que toi, t'es juste un pauvre gars sans morale qui se marre à l'idée d'me laisser toute seule dans TA merde. » Tu continues à faire la gueule, parce qu'il le mérite. Il t'énerve. Mais un sourire se dessine sur tes lèvres. Il te fait rire. T'as envie de le frapper avec tes petits poings tous faibles. T'as envie qu'il s'excuse, qu'il te prouve qu'il est pas si con que ça. « Fiotte fiotte fiotte fiotte. Putain de fiotte. » Tu peux pas t'en empêcher, tu lui donnes un ridicule coup de poing dans l'épaule, t'arrive à te faire pitié à toi même avec ta force de mouche. Tu croises les bras comme une gamine qui boude et tu soupires. « Tu fais chier. »

D’ordinaire, une fille comme Mad, ça t’intéressait pas du tout. D’ailleurs, c’est une de tes seules connaissances que t’as pas rencontré pendant une soirée ou un deal. T’avais l’impression qu’elle savait pas faire la fête, que s’éclater, c’était tout sauf ce en quoi elle était douée. Ah, c’est sur, elle était douée en cours, mais c’était pas la vraie vie pour toi. La vraie vie, c’était se faire plaisir de toutes les manières possibles et imaginables, et rester planquer dans sa chambre pour potasser des cours, c’était loin d’être un plaisir. Ouais, vous deux, vous étiez vraiment pas fait pour vous rencontrer. Tu savais que t’allais surement avoir une mauvaise influence sur elle, comme sur la plupart des gens, mais tu t’en foutais, honnêtement. Tu t’es dit que sa vie serait surement plus drôle si tu débarquais. Pari réussi. Elle t’insulte mais t’arrives pas à la prendre au sérieux. T’as l’impression qu’un gamin te tape dans l’épaule, ça te secoue un peu, pas grand chose. Mais tu gémis, juste pour lui faire plaisir, pour qu’elle croie que sa vengeance est faite. Tu t’écroules même sur le flanc en te tenant l’épaule et en rigolant. “C’est en taule que t’as appris à te battre comme ça ? Y a du progrès à faire, tu ferais mieux d’y retourner” tu lui dis en te redressant et en tirant une dernière latte sur ton mégot. Tu le jettes derrière toi et lui pinces ensuite doucement la joue. “Allez, au moins tu pourras te vanter d’avoir passer une nuit en prison, c’est pas le cas de tout l’monde. J’suis sûr que tes loosers de potes des lambdas seraient impressionnés.”

Tu rigoles un peu, mais pas trop, parce que l'idée de retourner ne t'enchante pas vraiment. Et pourtant, si vous vous retrouvez dans la même situation, tu es persuadée qu'il referait la même chose sans aucun remords. Sauf que cette fois ci, t'aurais aussi le reflex de détalé aussi vite que possible. Tu fais un petit mouvement de recul sur le côté lorsqu'il te pince la joue. Tu lèves les yeux au ciel. « C'quoi votre problème sérieux ? Vous vous croyez plus fort que tout parce que vous avez le respect de rien, et après c'est nous les loosers ? Vous êtes juste des perdants qui essayent de se donner de l'importance aux yeux du monde en faisant n'importe quoi. » Tu avais pris un ton sec, sans même lui adresser un regard. Si il y a bien une chose qui te mets hors de toi, c'est qu'on s'en prenne à ta confrérie. C'est tellement simple de cracher sur les lambdas. « Je sais même pas pourquoi j'te parle en fait. » Tu tournes la tête et le regarde de haut en bas. Peut être parce qu'il est l'archétype même de ce que tu n'as jamais osé fréquenter auparavant. Et que, bête curieuse que tu es, tu voulais l'apprendre. « Pourquoi tu deals ? » Certes c'était le genre de question qui ne se posait pas comme ça. Mais ça avait été plus fort que toi, c'était sorti tout seul. Ça t'avait taraudé toute la nuit au poste, il fallait bien que ça sorte. Tes grands yeux bleus inquisiteurs étaient rivés sur lui comme pour l'obliger à te répondre.

Au début, tu croyais pas trop à cette histoire de confrérie. Pour toi, c’était un truc de gamins, juste pour occuper ceux qui savaient pas quoi faire de leur vie à l’université. En fait, tu voulais en intégrer aucune parce que tu pensais que les gars là-dedans étaient des débiles sans cerveaux qui ne pensaient qu’au baseball et à coucher avec les pom-pom girls. Bon, ça s’est révélé vrai pour certaines confréries. Mais t’avais vu qu’il y avait même des confréries de loosers, et puis finalement, quand t’as connu les omégas, ça t’a paru impossible de pas en faire partie. Ces gens-là, c’est toi, vous êtes pareils. T’aurais pas pu rêver mieux, franchement. Mais tu te demandais vraiment c’qu’il y avait de cool à faire partie des lambdas. Ca avait l’air de plaire à Mad, vu comment elle était sur la défensive, mais tu peux pas t’empêcher d’être un peu perplexe. Ca doit pas être folichon, l’ambiance, là-bas. Tu la laisses parler, parce qu’en plus, elle a quand même un peu raison. A part sur le fait qu’on est des loosers. Mais tu vas pas lui chercher des embrouilles alors qu’elle est déjà bien énervée ce soir. Même si tu serais pas contre une petite dispute, là, tout de suite. Elle te toise. Toi, ça te fait sourire, cette petite qui prend des grands airs. On dirait qu’elle essaie de impressionner, mais ça marche pas vraiment. Pas grave. Puis elle lâche la bombe. Elle veut percer ta carapace, elle veut que tu te confies. Tu regardes autour de toi, parce que demander ça aussi fort et en plein parc, c’est pas très futé. Surtout avec les flics qui rodent depuis qu’ils l’ont embarqués. “Mad, je t’ai déjà demandé pourquoi t’étais curieuse ? Non, alors le soit pas. T’as pas envie de savoir ces choses-là.” C’est vrai quoi. Déjà c’est pas une histoire passionnante, parce que c’est ton histoire et c’est plutôt une histoire de pauvre type, qu’autre chose. Et puis, peut-être que tu lui en avais déjà dit trop. T’essaie de rattraper le coup pour pas qu’elle pose d’autres questions. “J’avais besoin de thunes, alors j’ai commencé, et vu l’argent que j’me fais, j’suis pas prêt d’arrêter.”

Les gens avaient la fâcheuse habitude de penser que vous passiez le plus clair de votre temps dans vos bouquins, même au sein de la maison des lambdas. Certes, la plus part d'entre vous aimait étudier, mais la culture vous laissait des moments de répits. Et vous aviez la chance d'habiter dans la maison la plus high tech du campus. Du minitel au dernier ordinateur sorties, de la plus vieilles à la plus récentes des consoles, en passant par des robots en tout genre. Les soirées s'organisaient souvent par petits groupes, devant Mario Kart, un bon film, ou en tentant de faire un ping pong en contrôlant les derniers robots de la section ingénierie. Petite merveille de technologie. La vie chez les lambdas regorgeaient de ressources pour les curieux dans mon genre. Alors oui, t'étais plus de genre à boire quelques bières plutôt que de finir un nombre incalculable de Jack Daniels. Mais au moins, tu ne finissais pas à dormir sur un tapis qui pue le vomi, toi. Outch, point sensible visiblement, vu comment il te renvoie balader. Tu hausses un sourcil sans répondre, comme pour le forcer à poursuivre. Ce qu'il fait. Je fais mine de réfléchir, et reporte mon regard sur mes pieds posées sur ma planche. « Et genre travailler, nan ? Tu vois un job à la con, genre garder une médiathèque. Certes y'a moins d'adrénaline, mais au moins ça évite les risques d'envoyer les gens que tu connais en garde à vue à ta place, si tu vois ce que je veux dire. » Tu fais rouler ma planche un peu vers la gauche, puis vers la droite. Je jette un regard au skate parc, encore éclairé par de larges spots. A la base, t'étais surement venu pour ça, pour skater. Ou peut être pas. Aucune idée. C'était peut être aussi pour le revoir lui. Parce que dans le fond, tu l'aimais bien Hadès, tu appréciais sa compagnie malgré tout. Et ton inconscient était persuadé de le retrouvé à une heure pareil à cet endroit. Et maintenant, ta curiosité était totalement réveillée, et avait assommé le peu de tact qui te restait. « Tes parents peuvent pas te prêter l'argent dont t'as besoin ? »

L’heure était aux remontrances, à la morale, donc à tout ce que tu avais toujours détesté. Oui, dealer n’est pas bien, bien sur que ce n’était pas bien mais est-ce que t’avais eu choix ? On donne jamais le choix à un gamin de 14 ans, et quand t’es dedans, t’y es pour longtemps. Et puis, t’irais pas jusqu’à dire que ça te plaît, non, c’est sur, mais ça ne te dérange plus autant qu’avant. Certes, quand tu te fais casser la gueule, tu te dis que tu devrais tout arrêter, mais deux jours après, c’est reparti. “Je peux plus faire marche arrière maintenant, et puis, tu vois, niveau contact humain, c’est vachement intéressant” T’éclates de rire au son de tes propres conneries. Mad pourra surement jamais comprendre pourquoi tu fais partie de ce monde, tout comme la plupart des gens d’ailleurs. Alors quand elle te parle de tes parents, tu peux pas t’empêcher de sourire. Mais pas un sourire comme les précédents. Plus amer, plus en colère. “J’ai besoin de l’argent de personne, si ce n’est du mien. J’ai toujours pu compter que sur moi-même et c’est bien mieux comme ça, crois-moi.” T’as pas vraiment envie de t’étendre sur le sujet. Tes parents, t’en parles jamais, parce que personne te pose la question et aussi parce que t’as pas envie que les gens te regardent avec de la pitié. Qu’ils se disent : pauvre gamin, il est déboussolé, il va bientôt se remettre sur le droit chemin. J’y suis, sur le chemin. Sur mon chemin. Et il te convient bien. Tu regardes ailleurs, t’as pas envie de voir le visage curieux de Mad. T’as même plutôt envie de ta barrer parce que ambiance devient bien trop dramatique à ton goût. Tu sors ton paquet de clopes, t’en allumes une et le tend vers Mad. “T’en veux une ?” Tu recraches la fumée, les yeux fermés.