Aussi loin que je m'en souvienne, j'ai toujours été passionné pour l'art. Je me rappel que lorsque j'avais environ cinq ans, ma mère m'avait offert pour Noël un assortiment de peintures à doigts. J'étais excité comme une puce. Cela peut peut-être paraître bête, mais c'est sans aucun doute l'un des plus beaux cadeaux qu'on m'a offert ainsi qu'un merveilleux moment, puisque c'est le seul que je me souviens. Ne vous surprenez pas si vous me voyez assis contre un arbre, cahier de dessin et crayon à la main, en train de dessiner tout ce que je vois. L'art est véritablement une passion pour moi. Ce que j'aimerais par-dessus tout, c'est d'être reconnu grâce à mon art, mes dessins. J'ai d'ailleurs moi-même dessiné tous mes tatouages.

15 ans
La relation chaotique de mes parents aura été relativement marquante. J'ai passé mon enfance à être là, en simple spectateur, à regarder mes géniteurs se déchirer entre eux. Mais malgré tout ça, je n'étais pas perturbé. Du moins, c'est ce que je laissais voir aux autres. Un petit garçon équilibré, qu'on qualifiait de normal. J'étais tout simplement plus courageux que les autres. La souffrance, ce n'est pas pour moi. Alors j'enfouissais tout ça. Je réussissais très bien à l'école, j'avais des amis. Je vivais tout simplement, jusqu'au jour de l'annonce du divorce de mes parents. L'atmosphère était pesante. Mes parents ainsi que ma soeur n'avaient pas osé ouvrir la bouche depuis le début du dîner. Agacé, je croisai les bras sur mon torse tandis que mon regard se baladait d'une personne à l'autre. « Bon ! Qu'est-ce qui se passe ? » Trois paires de yeux se posèrent sur moi, tous interrogateur. « Ça va, j'suis pas con, je vois bien qu'il y a un truc qui ne va pas. » Poursuivis-je. « Arrête Naël. » Je levai le regard vers ma sœur, intrigué de son commentaire. « J'suis gay » M'écriais-je pour détendre l'atmosphère beaucoup trop pesante à mon goût. Ma sœur se leva subitement de sa chaise, la haine se faisait voir dans ses yeux. « Tu ne vois pas que ce n'est pas le moment ? Attend, tu es quoi ? » Moi qui n'avais jamais entendu ma grande sœur avec tant de colères dans la voix, je ne répondis rien, attendant que l'ambiance s'apaise. Tous les trois me regardaient. J'avais l'impression d'être un animal de foire. « Alors, il y a vraiment un truc qui ne va pas hein ? » Demandais-je hésitant. Le regard que mon père fit à ma mère semblait tout dire. « Chaton, ton père et moi avons décidé de nous séparer. » M'avoua-t-elle enfin. J'aurais voulu ne pas réagir aussi violemment, mais j'avais agi par impulsion, encore une fois. Je bondis de ma chaise. « Quoi ? C'est une blague ? Hein, dites-moi, c'est pas vrai, vous mentez ? » Les questionnai-je pour toute réponse tandis que je leur lançai un regard suppliant. Le silence qui fit suite à mon intervention vint me confirmer que tout ceci n'était pas un jeu, mais bel et bien, la réalité. D'un geste presque automatique, je tournais le visage vers ma sœur. « Et toi, tu le savais ? » Lâchais-je, en colère qu'elle ait pu me mentir sur un sujet aussi sérieux et important que celui-ci. Je ne lui laissai toutefois pas le temps de me répondre que je bousculais déjà ma chaise. « C'est bon tu me dégoûte. J'ai plus faim. Je monte. » Conclus-je en montant les escaliers afin de me rendre dans ma chambre. Le divorce de mes parents m'avait bouleversé. Mais c'est aussi ça qui m'a forgé, du début à la fin. Ma sensibilité, mon courage, mais aussi mon incontrôlable méfiance viennent sûrement de là, car je ne peux pas dire que l'éducation de mes géniteurs y ait été pour beaucoup. Ils étaient bien trop préoccupés par leurs problèmes de couple que par leurs enfants qui, après chaque dispute, se retrouvaient seuls, au milieu du salon. Pour faire face à tout ça, je me suis rapidement passionné d'art. Je noyais ma tristesse dans les dessins. Le divorce de mes parents avait été douloureux, et plus les jours passaient, plus je gagnais en maturité, jusqu'à me dire qu'il ne fallait pas laisser fuir la vie sans en profiter. Chaque instant est unique et mérite d'être vécu.


17 ans
« Je suis mutée pour mon travail. On déménage en Ohio, dans un mois. » D'un air surpris, je regardai ma mère, ne sachant que dire. Cette annonce avait eu l'effet d'une bombe. « On part s'installer en Ohio, aux États-Unis ? » Répétais-je bien malgré moi. Je n'étais absolument pas prêt à quitter l'Algérie et je n'arrivais pas à comprendre comment ma mère pouvait être aussi décidée à quitter son pays d'origine, comme mon père l'avait fait quelques années plus tôt pour venir vivre ici. Dans tous les cas, j'étais obligé de me plier et ça ne me plaisait pas. « Mais... j'ai pas envie moi, j'veux pas. » Dis-je en secouant de la tête pour appuyer mes propos. « Je croyais que tu adorais les États-Unis. » Répliqua alors ma mère, visiblement étonnée par ma réaction. « Oui, mais pas comme ça, pour des vacances, mais pas pour y vivre. » Je me dirigeai ensuite vers le canapé pour me laisser tomber dessus telle une baleine échouée sur le sable. « Tu t'y feras. Je sais que c'est difficile pour un garçon de ton âge de devoir tout quitter du jour au lendemain, mais cette mutation, c'est une chance en or. » M'expliqua-t-elle calmement. « Tu sais, j'en ai parlé à ton père et il m'a dit qu'il y avait un très bon programme à l'université en arts appliqués » Je relevai timidement le visage. C'est tout ce dont j'avais rêvé. Pourtant, je n'arrivais pas à apprécier l'annonce de ma mère. J'étais incapable de croire que je devrai quitter ma ville, une partie de ma famille, mes amis et tout le reste. Je ne parlais pas, ni même pour remercier ma mère.


21 ans
Allongé de tout mon long sur une chaise longue, une cigarette aux lèvres, je regardais toutes les personnes présentes sans exception. Quelques fois, mon regard resta accroché au torse de certains mecs, pour le plaisir de mes yeux. Ce n'est tout de même pas moi qui allais s'en plaire. Tellement absorbé dans ma contemplation, je n'entendis aucunement quelqu'un arrivé vers moi. « Naël, viens avec moi, j'ai quelqu'un à te présenter. » Je me suis mis à regarder Andréas d'une façon interrogative, avant qu'il ne me tire par le bras en criant par-dessus la musique et les rires pour me faire bouger. Je soupirai lourdement, puis le suivis jusqu'au bord de la piscine, où je regardais encore les environs, écoutant d'une oreille distraite, les paroles d'Andréas, un peu trop ivre. « Naël, je te présente Sevan, mon meilleur ami. » Lorsque je me décidai enfin à regarder la personne qu'on venait de me présenter, j'eus un frisson qui me parcourra l'échine dorsale. Je n'étais tout simplement plus capable de regarder ailleurs que ses magnifiques yeux qui me transperçaient. Hypnotisé par son regard. Ce Sevan était d'une beauté phénoménale. Un mutisme s'empara de moi quelques secondes avant que je me décide finalement à le saluer, voyant comme je pouvais être stupide de le regarder comme ça, sans réagir. Je lui tendis la main qu'il accepta. « Enchanté, je suis heureux de faire ta connaissance. Andreas m'a beaucoup parlé de toi. » Mensonge, je ne connaissais pas son existence avant ce soir et j'en voulus presque au bouclé pour m'avoir caché l'existence de son meilleur ami aussi... Aussi, je ne trouve pas de mot adéquat pour le qualifier sans être vulgaire. Disons qu'il me faisait beaucoup d'effet. Un sourire fini par se frayer un chemin sur mes lèvres, qui ne me lâcha plus de la soirée. C'était comme si nous nous connaissions depuis des années. L'entente était merveilleuse, je n'aurais pas pu rêver mieux. Moi qui croyais m'ennuyer à cette fête, je m'en serais voulu de ne pas y avoir mis les pieds. La soirée se passait bien et on avait perdu de vue curly boy, mais je ne m'en faisais guère. Ils avaient vraiment tout prévu. La sono, les drogues, l'alcool à profusion, l'éclairage coloré qui se remarquait à des kilomètres à la ronde. Déjà minuit passé, la soirée battait son plein, de plus, j'étais en merveilleuse compagnie. Et sans vraiment comprendre ce qui m'arrivait, une pulsion s'empara de moi, comme par magie et je pris les lèvres de Sevan en otage, ce qui me donna de drôle de sensation. Comment était-ce possible de ressentir ça, seulement avec un simple baiser ?


Environ 6 mois plus tard
Je me suis réveillé aux petites heures du matin tout en passant ma main à côté de moi, dans le lit, espérant retrouver Sevan endormi, mais j'y découvris qu'une place vide et froide. Il l'avait encore fait ! Ça fait combien de fois maintenant qu'il me faisait ce coup-là ? Je n'en sais pas trop en fait, puisque je ne les compte plus. Depuis la soirée où Andreas nous avait présentés l'un à l'autre, on a commencé à se fréquenter un peu plus tous les deux. Mais pourtant, j'aurais dû le savoir qu'il partirait. Ce n'était pas une première, il me fait ce coup à toutes les fois, sans exception. Un long soupir d'agacement franchis l'embrasure de mes lèvres avant de roulé sur le côté pour prendre place là où il était couché, il y a peu, enfouissant ma tête dans l'oreiller, respirant profondément. Son shampooing. Quelle merveilleuse odeur qui réveille tous mes sens ! Je ne m'en lasserai jamais, mais tout cela serait nettement mieux si je pouvais sentir son corps, collé contre le mien, à mon réveil. Pourquoi s'enfuit-il toujours comme un voleur à toutes les fois où nous couchons ensemble ? Où est le problème ? Il n'est même pas capable de me laisser un simple mot ou quoi que ce soit pour m'avertir. Non, au lieu de cela, il me fuit pendant des jours, ne me donne aucune nouvelle et revient comme une fleur, auprès de moi, comme si de rien était, pendant que moi, je l'accueil à bras ouvert à chaque fois. Pathétique ! Qu'est-ce que ça ferait dans sa vie, de prendre le petit-déjeuner avec moi, une seule fois ? Je commence à en avoir marre de son petit jeu. Il pourrait m'expliquer au moins, quel est son stratagème ? J'ai le droit à des explications, pas vrai ? C'est d'une façon bien décidée que je sortis du lit. J'allais finir par comprendre ce qu'il se passe, peu importe les moyens que j'allais prendre pour arriver à mes fins. « Je vais réussir à savoir ce que tu as Sevan, où je ne m'appelle pas Naël Mc Ardle. Nous allons devoir avoir une bonne discussion... »

Si tout est bon pour Sevan, tout est bon pour moi. La partie sur l'annonce du divorce m'a fait un peu mal pour lui, c'est triste. Bref, c'était quand même agréable à lire.

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